« Redonner confiance, ça peut booster toute une vie »

Positive Planet s’appelle désormais Positiv. On vous prenait pour une ONG environnementale ?  

Claudia Ruzza : (rires) J’avoue que ça nous est arrivé pas mal de fois… On l’aime la planète, mais notre action c’est avant tout l’entrepreneuriat positif dans les quartiers. Cette « petite coupe » rafraîchit le message sur l’essentiel.

Alors l’essentiel pour Positiv, c’est quoi ? 

C. R. : C’est de faire en sorte que des personnes éloignées de l’emploi, issues de quartiers prioritaires de la ville ou bénéficiaires des minima sociaux, trouvent leur place dans la société grâce au travail et principalement par la création de leur entreprise.

Positiv aura 20 ans l’année prochaine. 2006, ça signifie quoi pour vous ? 

C. R. : L’année de notre création bien sûr, juste après les révoltes qui ont embrasé les banlieues d’Ile-de-France, suite à la mort de Zyed et Bouna. Un déclic pour nous. On a cherché à comprendre les causes, on a vu le chômage, les discriminations, l’éloignement de l’emploi… Positiv était né. 

Presque 20 ans après, ça donne quoi ? 

C. R. : 50 000 personnes accueillies, 25 000 personnes accompagnées et 13 000 entreprises lancées grâce au travail de 90 collaborateurs répartis entre six régions (Hauts-de-France, Normandie, Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Occitanie), des milliers de demandeurs d’emploi accompagnés… Beaucoup de satisfaction mais aussi beaucoup de défis ! 

En termes de résultats, êtes-vous satisfaite ? 

C. R. : Oui, car nos équipes donnent tout pour que les gens se lancent dans les meilleures conditions et qu’ils soient fiers d’eux : en moyenne, on accompagne 2 500 demandeurs d’emploi par an et 1 000 entreprises sont créées. Trois ans après leur création, 85 % des boites sont toujours là. Mais bien évidemment, on veut aller toujours plus loin et avoir toujours plus d’impact !

Votre objectif est l’entreprise, mais tous parviennent à en créer ? 

C. R. : C’est notre ADN, mais notre objectif absolu est l’insertion professionnelle. Ce dont on est fier, c’est que 72 % des personnes qui se font accompagner sont insérés (salariat ou création d’entreprise), six mois après avoir bénéficié de nos services alors qu’ils sont plus de 85 % à être sans emploi quand on les rencontre pour la première fois.  

Votre partenariat avec France Travail relève-t-il de l’évidence ? 

C. R. : C’est une évidence et un indispensable même ! 40 % des personnes qui nous sont recommandées le sont par France Travail. Partout où nous travaillons, nous collaborons avec les agences France Travail locales.  

Et les autres partenaires ? 

C. R. : Il y en a plein car c’est qu’avec le travail de tous les acteurs de terrain qu’on peut vraiment être performants : les Missions locales, les mairies et régions, les Maisons de quartier, les centres sociaux des territoires… Mais aussi la Banque publique d’investissement, qui soutient beaucoup de nos programmes, dont nos futurs accélérateurs sur des projets à fort potentiel, qui seront lancés fin 2025. Cet écosystème associatif et public est le levain de la réussite. 

Justement, quelle est la « marque de fabrique » Positiv ? 

C. R. : On prend le temps d’écouter les personnes, leur situation, leurs aspirations. On accepte tout le monde, sans jugement. On n’a pas de limite de durée d’accompagnement. Une fois qu’on a bien saisi le profil personnel, on rentre dans la partie technique : business plan, étude de marché, formations… 

Pensez-vous que les freins à l’emploi sont d’abord personnels ? 

C. R. : Je dirais qu’ils sont aussi personnels tout autant qu’économiques, sociétaux, etc. Dans notre phase d’accueil, on observe beaucoup, pour trouver les moyens de redonner confiance. On connait les territoires dans lesquels elles évoluent, les défis rencontrés. Notre crédibilité vient aussi de là. Comme France Travail, on s’active pour lever les freins, donner les bons codes, leur donner les moyens de leur insertion.

Avez-vous un exemple à nous donner ? 

C. R. : Je peux vous parler de Khadidja Benyahia, une jeune fille de Rouen qui a monté son entreprise de bâtiment. C’est une femme, elle a 23 ans, déjà six salariés. En plus, au travers de sa boîte, elle essaie de faire en sorte de recruter des femmes pour qu’elles se fassent une place dans le BTP. Et on a tellement d’exemples à son image ! 

Claudia, merci. Le mot de la fin ? 

C. R. : Faites confiance aux quartiers ! Il y a une énergie incroyable. De l’envie, du talent, de la créativité. Et puis la banlieue a souvent inspiré le monde de l’art, de la culture, de la mode, et ils vont aussi inspirer le monde de l’entreprise… Acteurs publics et associatifs, continuons à les soutenir dans leur volonté de réussir. C’est une quête magnifique.