Sarah Zitouni, fondatrice de PowHER ta carrière : « Ma réussite reste une anomalie »

Je suis jeune, je suis une femme, et je suis fille d’ouvriers. Je suis aussi la plus jeune directrice de la stratégie du secteur automobile, un poste auquel je n’aurais jamais dû pouvoir prétendre. Je dirais même que je suis l’anti portrait-robot de la représentation que l’on se fait d’un directeur de la stratégie. 

Ainsi, mon parcours fait mentir les statistiques, il outrepasse les freins et stéréotypes auxquels les femmes sont confrontées. Mais mon parcours n’est pas la norme. Ma réussite reste une anomalie. 

Je l’ai pleinement compris durant la pandémie, lorsque je me suis accordé du temps pour faire le point sur ma carrière. J’ai réalisé que je ne voyais aucune évolution dans la féminisation de mon industrie. Pire, le vivier de talents féminins se clairsemait un peu plus chaque jour, avec toujours moins de femmes promues managers. La faute à l’arrivée du premier enfant, à l’origine ethnique, au milieu social… Sans compter que les freins se cumulent : une femme racisée a encore moins de chance qu’une femme blanche d’évoluer professionnellement.

On est donc loin de l’égalité hommes-femmes. Si rien ne bouge, il nous faudra 132 ans pour l’atteindre. C’est pourquoi j’ai décidé de prendre les choses en main en m’investissant auprès des femmes vivant une situation professionnelle difficile. L’idée ? Capitaliser sur mes propres erreurs, mon expérience et ma vision du monde de l’entreprise pour les aider à avancer. 

De cette démarche est née « PowHER ta carrière », une communauté qui permet d’accélérer l’empowerment des femmes au travail, en favorisant le soutien entre paires. Des cycles de formation, des outils, et de nombreuses ressources sont également à disposition des membres, portant sur des sujets structurants tels que le syndrome de l’imposteur ou la négociation salariale. 

Aujourd’hui, cette communauté rassemble 200 000 femmes. Parmi elles, beaucoup souffrent d’un manque de reconnaissance ou de stress chronique, certaines sont pénalisées par la maternité ou l’envie de maternité, quand d’autres se voient proposer des salaires bien moindres que leurs homologues masculins¹.

À l’évidence il reste du chemin à parcourir. Et si les initiatives comme « PowHER ta carrière » font avancer les choses, le changement doit être systémique. Il doit être impulsé par les recruteurs, les employeurs, et les pouvoirs publics. 

Prenons l’exemple de la Suède, où la loi prévoit un congé parental de 480 jours à répartir entre les deux parents. Résultat, les discriminations liées à la maternité ont été réduites, et il est commun de voir des hommes basculer en temps partiel pour s’occuper de leurs enfants. La Suède est par ailleurs un pays intrinsèquement féministe : il serait impossible pour un leader ou un responsable politique de ne pas se dire féministe. 

La France elle, fait figure de retardataire en Europe. Elle stagne entre la quinzième et la vingtième place des pays où il fait bon s’épanouir au travail. Il n’y a en outre pas suffisamment de mesures contraignantes pour garantir l’égalité salariale. Tout le monde se renvoie la balle. Pendant ce temps-là, rappelons qu’en 2024, les Françaises ont commencé à travailler gratuitement le 8 novembre, et que l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes est de 23%². 

On ne peut que déplorer de tels chiffres. Surtout quand on sait que les entreprises favorables à la diversité sont davantage résilientes, et augmentent leurs bénéfices de 6 % par rapport aux autres. 

La diversité apporte en effet différents points de vue, différentes idées, et une vraie richesse. Charge aux acteurs économiques, aux acteurs gouvernementaux et à la société dans son ensemble de s’en saisir.

1 https://www.powhertacarriere.com/rapport-femmes-au-travail/

2 https://lesglorieuses.fr/8novembre16h48/