Opinions
« Avec l’IA, notre conception de la culture est en jeu », Patrick Kuban, une “voix” qui compte
La création artistique se trouve en première ligne face aux bouleversements induits par l’intelligence artificielle générative. Patrick Kuban - voix off pour Arte, Canal+, RTL2 et France Travail depuis plusieurs années - appelle à un encadrement de cette technologie, notamment à travers son association LES VOIX et le collectif #TouchePasMaVF.
Publié le 30/04/2025
L’intelligence artificielle (IA) générative a débarqué avec fracas dans le monde de la création. En permettant à quiconque d’utiliser ces outils librement, sans régulation, nous nous exposons à des dérives. Car derrière les promesses de progrès mises en avant se cache une réalité plus complexe. Une réalité qui interroge notre rapport à la création artistique et à la propriété intellectuelle.
Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, les IA génératives entraînent leurs systèmes d’apprentissage automatique à partir de milliards de contenus – textes, voix, musiques, images – accessibles par Internet ou grâce à des bases de données, sans autorisation ni compensation pour leurs créateurs.
Ce pillage massif d’œuvres de l’esprit et de données personnelles pose une question fondamentale : comment accepter que des entreprises technologiques – aux préoccupations artistiques et culturelles floues - s’enrichissent sur le dos des artistes et des détenteurs de droits sans avoir de compte à rendre ? L’utilisation pour des livres audios, sans consentement et à titre posthume, de la voix de Jacques Frantz – immense comédien ayant doublé Robert de Niro - montre à quel point les inquiétudes sont légitimes.
Une menace existentielle sur les métiers de la création.
L’IA générative fait peser une menace existentielle directe sur les métiers de la création. De fait, certains médias pourraient être tentés de produire à moindre coût des contenus jugés « satisfaisants » uniquement à partir d’algorithmes. Les acteurs, musiciens, auteurs, techniciens n’auraient alors plus qu’à chercher un autre travail… Cette logique purement économique, si elle n’est pas contrée, conduira inévitablement à un appauvrissement culturel sans précédent.
En effet, comment croire qu’une machine puisse rivaliser avec la sensibilité d’un humain, avec sa capacité à transmettre des émotions uniques et authentiques ? L’intelligence artificielle ne connaît pas la vie, l’amour, la mort. Elle ne met pas de cœur à l’ouvrage, n’apporte pas de supplément d’âme. Tout ce qu’elle fait est froidement calculé. Elle n’est qu’une simple suite informatique basée sur des moyennes statistiques et du tri de données. Le risque est de se retrouver avec une culture standardisée, aseptisée.
Nous devons donc considérer cette révolution avec le plus grand sérieux. Et éviter une fuite en avant technologique au détriment des humains. Pour faire face au développement spectaculaire des IA, nous devons combler un vide réglementaire préoccupant.
D’abord, une véritable transparence doit être imposée sur les données utilisées pour l’entraînement des IA afin de permettre une traçabilité. Le respect du consentement individuel est la clé. Un mécanisme de rémunération équitable doit ensuite être établi, permettant aux créateurs de bénéficier de l’exploitation de leurs œuvres. Enfin, la protection des données personnelles doit être étendue aux caractéristiques uniques – voix, visage, style – qui font l’identité de chaque artiste. C’est en ce sens que nous œuvrons actuellement auprès des instances dirigeantes, notamment la Commission européenne à Bruxelles.
Un outil au service des artistes.
En France - où le droit d’auteur a légalement vu le jour à l’initiative de Beaumarchais en 1791, nous disposons déjà d’un cadre juridique qui peut servir de fondement à cette régulation. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) offre également des outils précieux. En outre, il est possible d’imaginer qu’à l’avenir le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) conditionne ses subventions aux œuvres audiovisuelles dont le travail humain est avéré et quantifié…
L’intelligence artificielle doit demeurer à sa juste place : celle d’un outil au service des artistes et de la création, jamais d’un substitut. Il s’agit donc de réguler ces machines pour en conserver le contrôle. Car, correctement encadrée et utilisée à bon escient, l’IA générative peut être utile. Elle permet notamment d’automatiser des tâches fastidieuses, libérant du temps. Elle ouvre aussi des possibilités inédites, comme celle – pour les artistes-interprètes - de proposer en licence leur voix pour des applications spécifiques : chatbot, robotique, presse en ligne, GPS… Tout ce que l’on ne peut pas enregistrer et qui ne demande pas une interprétation, contrairement au doublage ou aux livres audios.
Face au défi posé par l’IA générative, c’est notre conception même de la culture qui est en jeu. Donc notre humanité. Ce bouleversement technologique nous pousse à une réflexion civilisationnelle. Ni plus, ni moins.
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