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Femmes dans la Tech : Program’Her fait bouger les lignes
Année après année, les femmes dans les métiers de la tech, au profil d’ingénieure, restent peu nombreuses. Avec Program’Her, l’Efrei, la grande école d’ingénieurs, œuvre pour convaincre les lycéennes que ces métiers sont faits pour elles. Pour son directeur général Frédéric Meunier, il faut toutefois aller encore plus loin. Témoignage.
Selon vous, pourquoi ce plafond de verre persiste-t-il ?
Frédéric Meunier : Dans les métiers des sciences et des techniques du numérique, la proportion de femmes stagne autour de 23 % depuis plusieurs années. Pourtant, l’École d’Ingénieurs Généralistes du Numérique, (l’Efrei), comme les autres écoles, les associations et les acteurs publics, ne ménage pas ses efforts pour briser ce plafond de verre. Pour les filles, les freins remontent à plus tôt dans l’enfance et peuvent être imputés à l’éducation – consciente ou inconsciente – des parents et de la société, qui est par exemple véhiculé par les jouets genrés. Il y a 15 ans, j’aurais trouvé la charte gouvernementale sur les jouets non genrés totalement déplacée. Mais maintenant, devant le manque de filles dans les écoles d’ingénieurs, je suis davantage convaincu de l’intérêt de déconstruire certains clichés.
En quoi cette situation est-elle préoccupante ?
F. M. : Tout d’abord parce qu’elle n’a théoriquement pas lieu d’être. Les filles comme les garçons ont les mêmes compétences et qualités pour exercer les métiers du numérique nécessitant une formation d’ingénieur. Ensuite parce que nous sommes face à une pénurie sans cesse renouvelée de profils sur ces postes (développeur, UX designer, data scientist…). Le numérique est un secteur en croissance, poussé par la data, l’intelligence artificielle, les objets connectés, en plus des domaines plus anciens des logiciels ou de la cybersécurité.
Program’Her
- L’événement : trois journées de découverte du numérique et des débouchés
- La cible : Lycéennes (Seconde à Terminale). 50 participantes.
- Le lieu : campus de l’Efrei : Villejuif et Bordeaux
- Quand : 12-14 février à Villejuif / 21-22 février sur le campus de Bordeaux
- Depuis quand : Deux ans (troisième édition)
Est-ce la raison qui a poussé l’Efrei à organiser Program’Her ?
F. M. : Absolument. Nous sommes en première ligne pour intéresser les filles à ses métiers car nous formons les ingénieurs qui intégreront les postes demain. Il nous paraît donc essentiel de sensibiliser les jeunes filles à un moment clé de leur orientation scolaire, qui définira la suite de leur cursus universitaire. En seconde, elles doivent garder l’option mathématique pour pouvoir intégrer plus tard l’Efrei ou d’autres écoles d’ingénieurs. Avec Program’Her, nous sommes là pour leur dire que ces métiers sont très intéressants, de plein emploi, bien rémunérés, et surtout qu’elles sont aussi légitimes que les garçons pour y prétendre.
Comment procédez-vous pour faire passer le message ?
F. M. : Nous les initions sur trois jours aux métiers du numérique et de la tech. Notre équipe pédagogique est là, bien sûr, pour valoriser nos spécialisations et les métiers associés. Nos étudiantes et alumni Efrei partagent avec elles leur propre expérience. Nos entreprises partenaires jouent un rôle central, puisqu’elles s’investissent à fond dans Program’Her, lors de conférences et d’ateliers thématiques ludiques : la programmation avec la Société générale, l’UX Design avec Covea, mais aussi la data ou la cybersécurité…
Les lycéennes voient des professionnels en action et s’impliquent dans les animations. Elles réalisent que des profils exécutifs de femmes dans la tech, ça existe ! Les majors comme Google ou Microsoft se sont également jointes aux précédentes éditions, ce qui apporte beaucoup de crédit à l’événement.
Écoles, parents, entreprises, acteurs publics… aidez-nous à engager les jeunes filles dans des carrières scientifiques et numériques !
Pensez-vous que tout l’écosystème éducatif doit se mobiliser sur ce sujet ?
F. M. : C’est souhaitable, si nous voulons faire bouger les lignes. Ainsi sur Program’Her, nous faisons intervenir les entreprises, mais aussi des associations comme BECOMTECH, Social Builders et Elles bougent pour échanger avec les lycéennes, notamment sur les biais culturels qui expliquent pourquoi les garçons sont majoritaires dans l’ingénierie du numérique, alors que la parité prévaut dans les fonctions commerciales, marketing, communication et supports de ces mêmes structures. Il y a une déconstruction des clichés à mener, et cela demande de s’investir auprès des jeunes filles. Mais l’aspect culturel n’explique pas tout, beaucoup de ces métiers sont inconnus des lycéens en général. Program’Her existe aussi pour les faire connaître.
L’Efrei, grande école du numérique
- Spécialités : ingénierie (systèmes d’information, data, cybersécurité, systèmes embarqués) / management, communication, marketing digital, communication digitale, stratégie du numérique…
- Effectifs : 5 200 étudiants, 14 500 alumni (anciens étudiants)
- Age : 88 ans (fondée en 1936)
- Localisation : Villejuif et Bordeaux
Peut-on parvenir à des résultats tangibles sur seulement trois jours d’événement ?
F. M. : Non, et vous l’aurez compris, Program’Her est un événement majeur mais ponctuel, sur un sujet qui nous concerne et nous occupe sur le temps long. Ainsi avons-nous créé Efrei for Women, un programme plus large qui vise à attirer les filles dans cette filière mais aussi à améliorer leur vécu au sein de notre école. Concrètement, nous communiquons beaucoup sur des messages inclusifs au sein de nos campus, ou également sur l’importance du consentement, du vivre-ensemble...
Cela peut paraître éloigné des métiers, et pourtant il est essentiel que les femmes se sentent à l’aise dans leur environnement de travail, comme de formations. Par ailleurs, à travers Program’Her, nous avons mis en place un système de marrainage : les lycéennes participantes repartent avec les contacts d’étudiantes de l’Efrei – les marraines –, et pourront les solliciter au besoin lors de jalons clés, comme Parcoursup ou les prérequis académiques pour intégrer l’école.
L’Efrei œuvre à créer un environnement de travail favorable aux étudiantes.
Selon vous, quand interviendra ce rééquilibrage hommes-femmes dans ces métiers du numérique ?
F. M. : D’ici 15 à 20 ans. C’est une supposition très personnelle, mais la France est un cas à part sur le sujet. En Asie, la proportion est paritaire sur ces métiers. Dans les autres pays européens, c’est plus équilibré. Notre pays est marqué par de profonds biais de genres qui associent les garçons à des métiers d’ingénierie et de techniques, et les femmes à des secteurs littéraires et scientifiques relatifs aux sciences du vivant (médecine, biologie, chimie). Avec les efforts incessants de tous les acteurs éducatifs, parents, entreprises, associatifs, mais aussi l’action des services de l’État et des régulateurs, des marketeurs et autres publicitaires – qui forgent nos représentations, – j’ai cependant bon espoir que nous parvenions à inverser la tendance. … Ne relâchons pas nos efforts !
Lilya Halimaoui, participante de Program’Her :
" Je suis en Terminale générale au Lycée Teilhard de Chardin à Saint-Maur-des-Fossés, option math/physique/chimie, c’est ma seconde édition de Program’Her. Et j’adore !
Clairement, on arrive à se projeter, grâce aux intervenantes qui animent les ateliers. J’ai beaucoup aimé Safina à l’atelier Cybersécurité, la façon dont sa mission est valorisée, son quotidien de travail… J’ai même découvert qu’il y avait des Journées Portes ouvertes dans son entreprise pour des jeunes comme nous. "
Je pense aussi à Paola, de l’atelier Programmation de la Société Générale. Elle nous décrit le concret de son job, et nous donne les astuces pour nous entraîner, avec des applications de code par exemple. Ses conseils nous permettent de valoriser dès maintenant notre dossier en vue d’intégrer les écoles d’ingénieurs. Assez stylé également, elles nous donnent leur contact direct. On se sent accompagnées et soutenues. Enfin on s’encourage entre participantes de l’événement, c’est très stimulant.
Je ressors de Program’Her avec deux impressions générales : d’abord, les métiers d’ingénieurs du numérique sont très diversifiés. En clair, on ne passe pas forcément notre vie à coder derrière un ordi. Ensuite, ces jobs sont faits pour nous. Et c’est cool de voir des ingénieures en chair et en os, épanouies et passionnées. Car faut pas se mentir, le mythe du jeune homme blanc geek boutonneux a la vie dure, et les modèles masculins sont ultra-majoritaires encore à la tête des Majors (Steve Jobs, Jeff Bezos, Elon Musk, Bill Gates…). Program’Her nous fait du bien, car il nous donne les clés et l’énergie pour s’engager et percer dans le numérique en tant que femme. "
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