« L’intégration donne du sens à nos métiers et nos entreprises »
Depuis vingt ans, Olivier Riom, dirigeant de Vivolum, œuvre pour l’insertion des personnes éloignées de l’emploi. Engagé en faveur d’un monde professionnel plus humain, il voit dans cette démarche d’intégration un modèle gagnant-gagnant pour les salariés et l’entreprise. Entretien.
Publié le 05/05/2025
Pourquoi avoir choisi d’ouvrir votre entreprise à des profils éloignés de l’emploi ?
Olivier Riom : À l’origine, ce n’était pas une démarche réfléchie. En 2004, lorsque j’ai repris Vivolum – une entreprise du bâtiment –, je voulais placer l’humain au cœur de l’organisation, mais en agissant avant tout sur la qualité de vie au travail. C’est finalement un peu par hasard que, dès 2005, j’ai embauché une personne qui sortait de prison, sur proposition de l’ANPE (ex-France Travail). Malgré son allure, ses nombreux tatouages et une légère appréhension de mon côté, il s’est révélé être un employé sérieux. Son intégration a été une réussite. Dès lors, nous avons peu à peu élargi notre recrutement à d’autres personnes éloignées de l’emploi – détenus, gens du voyage, personnes sans domicile, réfugiés –, en partenariat avec France Travail et diverses associations.
Comment se passe l’intégration de ces salariés atypiques ?
O. R. : Comme pour n’importe quel employé. Nous avons mis en place un processus clair : une première semaine d’essai avec un chef de chantier, qui donne ensuite son avis. Si ça ne fonctionne pas, nous faisons un second essai avec un autre encadrant. Mais il n’y a pas de troisième chance. Lorsqu’un profil convient, nous le formons avec des règles simples : respect des horaires, de la hiérarchie, implication. Tout le monde est mis sur un pied d’égalité. À chacun ensuite de faire ses preuves.
Avez-vous préparé vos équipes à cette insertion de personnes éloignées de l’emploi ?
O. R. : Oui, notamment en formant nos équipes encadrantes à se concentrer sur le savoir-être des candidats plutôt que sur leur savoir-faire. Nous recrutons désormais en évaluant en priorité la détermination, l’envie d’apprendre, de s’investir des personnes que nous rencontrons. Ce n’est qu’ensuite que le savoir-faire est transmis par nos chefs de chantier. Je leur demande d’être exigeants et rigoureux, mais aussi patients et tolérants.
Quels sont les bénéfices concrets de cette intégration pour l’entreprise ?
O. R. : D’abord, cela nous a permis de pallier nos difficultés de recrutement avec des personnes à la motivation décuplée. Lorsqu’on leur offre une chance, ces dernières sont vraiment reconnaissantes et nous le rendent par un fort engagement. Résultat, notre turnover est plus faible que dans d’autres entreprises du secteur. Ensuite, l’impact humain est immense. Accueillir toute cette diversité et cette « fragilité », c’est extrêmement enrichissant. En plus de donner du sens à notre travail, cela nous rend plus ouvert, plus compréhensif, plus humble. Par cette approche, nous avons remis l’homme au centre de l’entreprise.
Par cette approche, nous avons remis l’homme au centre de l’entreprise .
Avez-vous déjà rencontré des difficultés en raison de cette politique d’inclusion ?
O. R. : Globalement, nous n’avons rencontré que peu de problèmes. Il y a parfois des ajustements à faire, notamment en matière d’horaires avec des personnes en semi-liberté qui doivent rentrer en prison le soir. Sinon, ces salariés ne posent pas plus de difficultés que d’autres. Voire même moins.
Parmi, les personnes éloignées de l’emploi que vous avez aidées, certains profils vous ont-ils particulièrement marqué ?
O. R. : Depuis vingt ans, nous avons accompagné une centaine de personnes. Toutefois, je pense en particulier à deux réfugiés syriens de 18 et 19 ans. Nous les avons accueillis et formés. Au bout d’un an, il se sont installés à leur compte. Certains dans mon entreprise y ont vu un échec, mais pour moi, c’est une réussite : nous avons permis à ces jeunes de s’intégrer et de créer leur entreprise ! Je pense aussi à Georges, un Rom qui parlait à peine français et vivait du RSA. À la fin de sa première journée de travail, il m’a montré ses mains en me disant, les larmes aux yeux : « Aujourd’hui, j’ai mérité mon salaire. » Nous lui avions permis de retrouver une certaine dignité. Ce n’est pas rien !
Que diriez-vous à un chef d’entreprise qui hésite à franchir le pas concernant l’intégration de tels profils ?
O. R. : D’essayer, tout simplement. Trop d’entreprises se privent de talents par crainte ou préjugés. Il faut oser s’ouvrir à la diversité, faire confiance à ses équipes, juger sur le travail, et surtout ne pas se décourager au premier échec. Certes, dans le bâtiment, nous avons la chance d’avoir des tâches assez simples, ce qui facilite l’intégration, mais chaque secteur peut trouver ses propres leviers d’inclusion. L’entreprise a un rôle majeur à jouer dans l’insertion sociale, et ce n’est pas seulement une démarche altruiste : ces recrutements sont aussi bénéfiques pour nous en tant qu’employeurs.
Le saviez-vous ?
France Travail œuvre pour la réinsertion professionnelle des personnes placées sous-main de justice. Installés au sein des établissements pénitentiaires, les conseillers France Travail justice travaillent de concert avec les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) pour accompagner dans leurs démarches les détenus.
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Un événement co-organisé par France Travail et Diversidays
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