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Emery Jacquillat, président de la CAMIF et cofondateur de la Communauté des Entreprises à Mission : « Quand vous avez des salariés heureux, vous avez des clients heureux et un directeur financier heureux ! »

Dans un monde en mutation, marqué par des défis climatiques, sociaux et sociétaux sans précédent, le modèle de l'entreprise à mission prend aujourd'hui tout son sens. Bien plus qu'un simple slogan, cette approche pionnière place la contribution positive à la société au cœur du modèle économique de l'entreprise.

Publié le  04/12/2023

 

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Aujourd'hui, en France, nous sommes 1 300 entreprises à mission à partager cette ambition. Nous sommes présents dans tous les secteurs d'activité, de la technologie à l'agroalimentaire, en passant par la finance, le conseil et le commerce. Parmi nous, il y a des entreprises de renom comme Danone, La Poste, la MAIF et le Crédit Mutuel. Pour autant, cette posture ne se limite pas aux seuls grands groupes. Bien au contraire, 81 % des entreprises à mission sont des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), comme la CAMIF que je préside. De plus, un nombre croissant de start-up adoptent cette orientation dès leur création, incarnant un nouvel état d'esprit chez les jeunes entrepreneurs. Ces derniers aspirent à créer des entreprises qui favorisent des modèles de consommation plus responsables, de production plus locale et circulaire, au sein d’une économie plus soutenable. On ne peut que s’en réjouir !

 

La qualité de société à mission n’est pas un label. Il intègre une dimension juridique qui le distingue et qui pousse les entreprises à aller au-delà d'une simple mise en conformité avec les enjeux de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Pour acquérir cette qualité, il est nécessaire de définir une « raison d'être » et d'inscrire ses objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux dans les statuts de son entreprise. Ainsi, le rôle de l’entreprise est clairement établi par sa raison d'être et ses objectifs de mission. Le partage du profit entre actionnaires n’est plus l’unique objet social de l’entreprise : c’est parce que l’entreprise est utile pour la société qu’elle fera du profit. Ce cadre permet à l’entreprise de structurer, pérenniser et crédibiliser son engagement. À ce titre, des audits de vérification sont effectués tous les deux ans (trois ans pour les PME) pour vérifier l'alignement de la stratégie avec la mission de l'entreprise et l’atteinte des objectifs qu’elle s’est fixée.

 

Sur un marché du travail en tension et de plus en plus concurrentiel, l’entreprise à mission est une vraie force pour développer l’attractivité de sa marque employeur et fidéliser les talents. À travers le projet social innovant qu’elles promeuvent, elles répondent aux aspirations des nouvelles générations en quête de sens dans leur carrière. Elles redonnent du sens à l'entreprise, et c'est extrêmement bénéfique pour elles comme pour leurs collaborateurs. Ces derniers sont ainsi plus enclins à s'engager sur le long terme, au service d'un projet qu’ils jugent utile à la société. Fiers de contribuer à quelque chose de plus grand, au bien commun.

 

Dans ces entreprises, le bien-être au travail, la diversité et l'inclusion ne sont pas de simples mots à la mode, mais des composantes essentielles des politiques de ressources humaines (RH). Dans une entreprise où tout le monde se ressemble, on ne trouve jamais de solutions ! Dans les entreprises à mission, nous croyons plutôt qu’il faut faire confiance à la diversité et à l’intelligence collective pour faire émerger de nouveaux modèles ! S'investir dans une entreprise qui aspire à changer le monde est à la fois gratifiant et noble. Et si, en plus, l'employeur se montre attentif au bien-être et à l'épanouissement professionnel de ses salariés, pourquoi seraient-ils tentés d’aller chercher ailleurs ? Hélène Bernicot, co-dirigeante du Crédit Mutuel ARKEA, me confiait récemment que depuis que sa banque avait adopté ce statut, elle recevait 30 % de CV en plus. Un résultat plutôt impressionnant pour une entreprise, dans un secteur bancaire qui avait tendance à être mal perçu depuis la crise financière de 2008.

 

Toutefois, devenir une entreprise à mission n’est pas un acte anodin. Cela prend du temps. C’est une transformation stratégique qui implique une réinvention complète des métiers et des modes de fonctionnement de la société. Aujourd’hui comme demain, c'est un défi de taille pour les ressources humaines, qui doivent aligner les compétences, les aspirations et les valeurs des collaborateurs avec la raison d’être de l'entreprise. À la CAMIF, nous avons adopté des mesures audacieuses telles que le boycott du Black Friday depuis 2017 et l’instauration de programmes centrés sur le développement durable et l'économie circulaire. Ces actions ont contribué à renouveler notre offre mais ont aussi amené une transformation profonde de nos métiers. Prenons l'exemple de nos chefs de produits : leur rôle ne se limite plus à une simple sélection d'offres basées sur des critères de responsabilité ou de durabilité. Ils collaborent désormais activement avec des designers, des experts en économie circulaire et des fournisseurs de matériaux recyclés pour mener des projets innovants. Cette évolution marque un changement significatif dans la nature de l'entreprise, le rôle des collaborateurs et les métiers qu'ils exercent.

 

La mise en place de ce nouveau modèle va de pair avec une nouvelle manière de former centrée sur des savoir-faire liés à l’intelligence collective, mais aussi de recruter. Dans les entreprises à mission, nous mettons l'accent sur les savoir-être, car les savoir-faire d’hier ne vont pas nous aider à inventer nos métiers de demain. L'objectif est de recruter des collaborateurs dont les valeurs sont en phase avec la mission de l'entreprise. Nous valorisons des qualités telles que la capacité d'adaptation, l'écoute et la coopération. Nous sommes à la recherche de gens optimistes, engagés qui sont dans l'action.

 

Mais n’allez surtout pas croire que ce modèle centré sur l’humain pourrait nuire aux performances financières des entreprises ! Au contraire, les entreprises les plus rentables et innovantes sont celles où les salariés sont les plus engagés et qui attirent les meilleurs talents. Quand vous avez des salariés heureux, vous avez des clients heureux et un directeur financier heureux ! La dynamique d’adoption de la qualité de société à mission (1 300 entreprises, chiffre qui double tous les ans depuis l’adoption de la loi PACTE) en est la meilleure illustration. Ensemble, elles comptent aujourd’hui plus d’un million de salariés.

 

Est-ce que l'essor exponentiel de l'intelligence artificielle pourrait remettre en cause le modèle social que défendent les entreprises à mission et la dynamique positive qu’elles ont instaurée ? Je ne le crois pas. Au contraire, nos entreprises sont susceptibles d'utiliser cette technologie pour améliorer la qualité de vie au travail. En automatisant des tâches à faible valeur ajoutée, elles vont libérer du temps et des ressources qui peuvent être réinvestis dans le capital humain, le développement personnel et l'empathie. Ainsi, les activités humaines pourront se focaliser sur ce qui nous distingue des machines : notre capacité à créer du lien social.

 

Profondément convaincu du bien-fondé de ce modèle d’entreprise dont je me fais ici le porte-parole, je ne peux qu’encourager toujours plus d’entreprises à franchir le pas. Si vous envisagez de devenir une entreprise à mission, je n’ai qu’un conseil : faites-le avec sincérité, ambition, exigence et courage. C’est ce qu’attendent plus de 90 % des Français. Impliquez vos collaborateurs dans cette transformation, dans la définition de votre raison d’être, mais aussi plus largement toutes les parties prenantes de votre entreprise : fournisseurs, clients, partenaires clés, actionnaires… Leur engagement est crucial pour la réussite de cette mission. C’est un défi qui sera perçu positivement par vos collaborateurs. C’est le chemin qui est important, c’est lui qui transforme l’entreprise.

 

Le passage à l'action est essentiel, et l'entreprise est le meilleur lieu pour cela. Investir dans des valeurs éthiques et environnementales est essentiel pour créer de la valeur à long terme. Notre décision de renoncer au Black Friday à la CAMIF n'était pas seulement un acte symbolique, mais une démarche qui a renforcé notre marque employeur et notre attractivité auprès des nouvelles générations en quête de sens et de marques capables d’apporter la preuve de leur engagement. Cette action a également renforcé l'engagement de nos propres collaborateurs, que nous avons pleinement impliqués dans cette décision. Malgré les pertes de chiffre d'affaires que nous avions anticipées, les trois quarts d'entre eux étaient en accord avec cette démarche audacieuse, marquant ainsi notre engagement en faveur d'une consommation plus responsable. Il est essentiel que les collaborateurs s'approprient cette mission, l'incarnent avec sincérité, audace et, parfois, une certaine radicalité.

 

Dans ce nouveau monde où les enjeux sociaux et environnementaux prennent une place toujours plus grande, les entreprises n'ont pas d'autre choix que de s'adapter, d'investir sur le futur. En ce sens, le modèle de l'entreprise à mission s'impose comme une voie d'avenir. Cette approche novatrice représente une opportunité unique de concilier performance économique et impact social et environnemental, tout en répondant aux aspirations des nouvelles générations de talents. C'est un chemin qui requiert de l'engagement, de la transparence, de l'audace et parfois des renoncements. Mais croyez-moi : les bénéfices, tant pour l'entreprise, ses collaborateurs et la société, sont immenses. Ou plutôt, ne me croyez pas : faites-le !

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