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Vieillissement de la population et emploi des seniors : comment les entreprises peuvent-elles s’adapter ?

Une étude du cabinet Deloitte, menée auprès de 11 000 entreprises dans le monde, révèle que la moitié d’entre elles n’ont encore rien prévu pour accompagner les salariés de plus de 55 ans. Emmanuelle Prouet et Julien Rousselon, co-auteurs du Rapport « Les seniors, l’emploi et la retraite » de France Stratégie, publié en octobre 2018, tentent de répondre à cette question.

Publié le  19/12/2019

Avec le vieillissement inéluctable de la population, l’emploi des seniors devient un enjeu. Qu’est-ce que cela implique pour les entreprises ?

Dans certains secteurs, et à des degrés divers selon les pays, les entreprises commencent à reconsidérer le regard qu’elles portent sur les seniors, même si, en France, 75% des managers considéraient, en 2015, qu’un âge supérieur à 55 ans jouait pour eux en défaveur d’un candidat.

 

Une meilleure prise en compte des enjeux liés à l’employabilité des seniors reste donc nécessaire. Cela passe notamment par le fait de repenser la gestion des emplois et compétences, ainsi que les conditions de travail. Cette approche préventive ne doit pas se restreindre à certaines classes d’âge mais être étendue à l’ensemble des salariés, dont certains seront les seniors de demain. C’est notamment tout au long de la vie qu’il faut favoriser l’accès à la formation professionnelle pour que tous les salariés, à chaque âge, puissent s’adapter aux innovations et nouvelles méthodes de travail.

 

De même, s’agissant des conditions de travail, des études évoquées dans notre rapport ont montré que les aménagements de poste ont un effet plus prononcé sur le maintien dans l’emploi que les changements de poste.

Une meilleure prise en compte des enjeux liés à l’employabilité des seniors reste nécessaire. Cela passe notamment par le fait de repenser la gestion des emplois et compétences ainsi que les conditions de travail.


Il existe quand même un paradoxe : une population vieillissante et une discrimination à l’embauche évidente. Quels sont les freins des entreprises ?

Il existe différents freins à l’embauche, mais les représentations négatives semblent jouer un rôle important, en particulier en France. Par exemple, lorsque l’on parle de compétences informatiques, les entreprises misent souvent plus sur celles des jeunes.

 

Mais ce n’est pas parce que vous êtes né avec Internet et que vous êtes sur les réseaux sociaux toute la journée que vous êtes plus qualifié dans la maîtrise des nouvelles technologies, dans un contexte professionnel.
Persistent aussi d’autres interrogations comme : est-ce qu’un senior peut s’intégrer facilement dans une équipe de jeunes ? Est-ce qu’il va accepter d’être dirigé par un plus jeune ? Mais là, c’est encore une question de représentations : les équipes mêlant plusieurs générations, expériences ou approches sont souvent plus productives.

 

Ce sont aussi les techniques même de recrutement qui sont en cause, avec une possible sous-estimation des soft skills, moins objectivables et classifiables que les diplômes. Par exemple, les progiciels de recrutement intègrent bien les compétences techniques mais moins les savoir-faire et savoir-être. L’expérience des seniors passe ainsi sous les radars.

 

D’autres freins peuvent être liés à la question de la productivité rapportée au coût du travail et donc aux salaires, plus élevés en général pour les seniors. Si vous considérez le recrutement comme un investissement, il semblera à plus court terme pour un senior. Mais cet argument ne tient pas forcément face aux jeunes qui auront tendance à partir plus vite chez la concurrence.
Finalement, beaucoup d’obstacles tiennent à des discours ou raisonnements qui peuvent être déconstruits.

Beaucoup d’obstacles tiennent à des discours ou raisonnements qui peuvent être déconstruits.


L’étude Deloitte évoque les nouvelles technologies comme des solutions à envisager pour favoriser le maintien dans l’emploi des seniors. Qu’en pensez-vous ?

C’est vrai qu’elles peuvent diminuer la pénibilité dans certains métiers, mais ces technologies demandent aussi des compétences spécifiques. Dans certaines industries, elles sont parfois mises à profit pour des aménagements de poste, par exemple pour lutter contre les TMS (troubles musculo-squelettiques), qui ont augmenté pendant des années. Mais les études portant sur les conditions de travail montrent qu’il existe d’autres facteurs négatifs : des rythmes et une intensité forte du travail, une organisation qui peut générer du stress, le contrôle des tâches qui limite l’autonomie, etc.

 

Au-delà des évolutions technologiques, il existe néanmoins d’autres leviers possibles : les temps partiels aménagés, le télétravail, par exemple. Ces pratiques peuvent favoriser le maintien dans l’emploi de certains seniors.
Si l’on se projette à plus long terme, l’intelligence artificielle pourrait amener les entreprises à valoriser l’expertise et donc l’expérience, ce qui pourrait être à l’avantage des seniors. Mais cela reste une hypothèse

Selon vous, les entreprises doivent-elles se préparer dès maintenant ?

Il vaut toujours mieux prévenir que guérir. La balle est aussi bien dans le camp des employeurs que des politiques publiques. Une mission a d’ailleurs été diligentée en octobre dernier sur cette question des pratiques des entreprises envers l’emploi des seniors.
Quoiqu’il en soit, il est essentiel de changer les mentalités et de mettre en place une logique préventive et des politiques intergénérationnelles. Il faut agir sur les représentations et la discrimination, surtout en France, et en particulier auprès des managers et des recruteurs.

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