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Marie Blaise, fondatrice de l’école Gustave : « Tendre la main à celles et ceux qu’on ne trouve pas toujours sur les chemins “classiques” du recrutement »

Les métiers de plombier, chauffagiste, électricien ou couvreur sont particulièrement en tension sur le territoire. L’école Gustave entend y remédier en proposant aux demandeurs d’emploi des formations adaptées aux besoins du marché du travail. Interview.

Publié le  08/10/2025

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Marie Blaise a fondé l’école Gustave en 2021. Partant du constat que les acteurs du bâtiment se heurtent à des difficultés de recrutement, elle a décidé de proposer aux demandeurs d’emploi et aux publics fragiles des formations accessibles et certifiantes pour devenir plombier-chauffagiste, électricien ou couvreur-zingueur. 92 % des apprenants ont retrouvé le chemin de l’emploi grâce à cette école d’un nouveau genre.

D’où vient votre engagement pour les métiers du bâtiment ?

Marie Blaise : Je viens d’une famille d’artisans : mon grand-père était plâtrier, mon père menuisier et mon conjoint est plombier-chauffagiste. Après avoir travaillé quelques années dans le monde des start-up, j’ai réalisé qu’il y avait un problème en analysant les besoins en main-d’œuvre dans le secteur du bâtiment, particulièrement dans les métiers de plombier-chauffagiste, d’électricien ou de couvreur-zingueur. Les entreprises n’arrivent pas à recruter, alors que les emplois sont nombreux. Dans la plomberie, par exemple, 4 000 offres ne sont pas pourvues chaque année, et 68 % des entreprises déclarent avoir du mal à recruter. Ce taux monte à 82 % pour les couvreurs-zingueurs. J’aime ces métiers : ils sont pérennes, solides, variés, et offrent des perspectives élevées, notamment avec le virage de la transition écologique. Il faut faire en sorte que l’offre rencontre la demande.

« J’ai voulu construire un acteur de l’emploi inclusif qui ne s’arrête pas aux lignes d’un C.V. »


Pourquoi avez-vous choisi de former des demandeurs d’emploi et des personnes en situation de fragilité ?

M.B. : En créant l’école Gustave, en référence à Gustave Eiffel, j’ai voulu construire un acteur de l’emploi inclusif, qui ne s’arrête pas aux lignes d’un C.V. Depuis le début, je suis animée par l’envie de tendre la main à celles et ceux qu’on ne trouve pas toujours sur les chemins « classiques » du recrutement, mais qui ont tout pour y arriver.

Comment sélectionnez-vous les apprenants et quels types de formations leur proposez-vous ?

M.B. : Nous travaillons avec les directions régionales de France Travail et des associations locales pour sourcer les profils, puis les former dans l’un de nos six campus : Paris, Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux et Rennes. Ils suivent d’abord une préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI) de trois mois, en classe et à travers des ateliers pratiques. Une fois les bases techniques acquises, ils intègrent une alternance de douze mois dans l’une de nos 200 entreprises partenaires. Aucun diplôme n’est requis pour intégrer notre école : ce qui compte avant tout, c’est la motivation et l’envie de réussir. Toutes nos formations sont diplômantes : quelle que soit la formation choisie, les apprenants reçoivent un titre professionnel certifié, délivré par le ministère du Travail. En quatre ans, nous avons formé plus de 2 000 demandeurs d’emploi. 

« Je suis persuadée que l’on peut créer une filière d’excellence dans le secteur du bâtiment en France. »


Selon vous, quels leviers économiques, sociétaux ou politiques faudrait-il actionner pour revaloriser ces métiers ?

M.B. : L’école, et notamment l’Éducation nationale, a un grand rôle à jouer pour changer le regard porté sur tous ces métiers, souvent peu considérés. En Australie, par exemple, les artisans sont très bien perçus : il y a même une vraie fierté à travailler dans ces professions. Je suis persuadée que l’on peut créer une filière d’excellence dans le secteur du bâtiment en France, en encourageant les jeunes et en leur faisant découvrir la richesse des activités manuelles. On peut se spécialiser dans les systèmes d’installation durable, évoluer au sein de l’entreprise, créer sa société… Les possibilités de carrière sont nombreuses et diversifiées.