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« Notre secteur est moderne, fortement digitalisé et automatisé, et son ascenseur social fonctionne bien »
La signature le 13 mai dernier d’une Convention de Partenariat nationale entre France Travail et la Confédération des Grossistes de France (CGF) concluait une année de préparation. Au programme, des actions pour résoudre les difficultés de recrutement d’un secteur dynamique qui souffre d’une image souvent éloignée de sa réalité. Revue de détails avec la Directrice de la CGF, Isabelle Bernet-Denin.
Publié le 11/06/2024
La signature de la Convention est une première. Quelle est l’origine de ce rapprochement ?
Isabelle Bernet-Denin : Depuis plusieurs années, notre baromètre économique pour le commerce de gros fait état de difficultés pérennes de recrutement surtout pour les métiers de commerciaux et de la logistique. Autre constat, les entreprises grossistes font assez peu appel à France Travail, mais celles qui s’y lancent se déclarent satisfaites à 85 %. Il y a un peu plus d’un an, notre commission Emploi Formation s’est donc interrogée sur l’opportunité d’une convention cadre nationale afin de mieux faire connaître nos métiers et les évolutions de carrière, et pour encourager les chefs d’entreprises à faire appel aux services de Pôle emploi.
Dans l’intervalle, la création de France Travail et l’arrivée de son nouveau directeur général ont renforcé la volonté de cet organisme de devenir un véritable partenaire en ressources humaines, principalement pour les petites entreprises. Or, au sein des fédérations qui adhèrent à la CGF, nous comptons plus de 90 % de TPE et PME.
Nous avons donc décidé de formaliser notre souhait de signer une convention avec des objectifs plus ambitieux qu’à l’origine et l’implication d’autres entités comme Cap Emploi.
Nos métiers constituent des voies d’insertion privilégiées pour des personnes sans qualification.
Quels sont vos principaux métiers et besoins en recrutement ?
I. B-D : Le commerce de gros rassemble 160 000 entreprises employant un million de salariés, dont 40 % de commerciaux. Nous jouons en effet un rôle de pivot entre les industriels et les professionnels (restauration, répartition pharmaceutique, artisans du bâtiment, garages, etc.). Notre force commerciale regroupe des commerciaux itinérants, sédentaires, télévendeurs, etc.
Au niveau des chiffres, les fonctions logistiques et de transport occupent un peu moins de 40 % des effectifs : préparateurs, caristes, manutentionnaires, chefs d’équipes dans les entrepôts, chauffeurs-livreurs. Enfin, les quelque 20 % restants sont des métiers supports. Près de 95 % des salariés sont en CDI, avec des niveaux de formation variables, du Bac +2 ou Bac +3 pour les commerciaux à l’infra Bac pour le transport et la logistique.
J’aimerais insister sur le fait que nos métiers constituent des voies d’insertion privilégiées pour des personnes sans qualification, sur des fonctions logistiques notamment. Nous peinons principalement à recruter des chauffeurs, des préparateurs de commande et des commerciaux. Ces derniers doivent disposer de compétences spécifiques à notre secteur : ce sont souvent des apporteurs de solutions, capables de créer et de renforcer au fil du temps, une relation de confiance avec les professionnels en amont et en aval.
Quels sont les freins à lever pour attirer des candidats ?
I. B-D : Le secteur du commerce de gros est peu connu, compte tenu de notre positionnement dans la chaîne de valeur. Nous n’avons en effet, pas de contact avec le grand public, car nous achetons et revendons à des professionnels exclusivement. De nombreux candidats commencent leur parcours dans la grande distribution ou l’industrie, puis viennent chez nous pour une deuxième expérience professionnelle. Notre secteur souffre sans doute d’une image fausse mais très répandue, autour de conditions de travail pénibles et d’un environnement « vieillot ». Or, la modernisation et la digitalisation ont fortement fait évoluer nos métiers.
Il y a une réalité méconnue dans ce secteur : l’ascenseur social fonctionne bien offrant des évolutions de carrière.
Justement, quels sont les atouts de votre secteur que vous aimeriez valoriser ?
I. B-D : Le commerce de gros recrute plus de 75 000 personnes par an ; incluant les renouvellements. À cette dynamique s’ajoute une réalité méconnue : dans ce secteur, l’ascenseur social fonctionne bien, offrant des évolutions de carrière de postes non qualifiés jusqu’à des fonctions commerciales, voire de management. En outre, la digitalisation croissante a fortement réduit la pénibilité de certains gestes métiers.
Les entreprises du commerce de gros sont également engagées dans des politiques environnementales et de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Nous demandons simplement à respecter une forme de progressivité, au vu des investissements financiers requis pour le verdissement de nos flottes comme pour la mise en place d’une démarche de responsabilité élargie des producteurs (REP) destinée à récupérer les emballages et matériaux divers. Nous avons d’ailleurs créé un département environnement RSE au sein de la CGF pour impulser de bonnes pratiques, y compris managériales.
Chez nous, comme dans de nombreux secteurs, les plus grosses entreprises lancent des initiatives sur ce sujet comme sur celui de l’inclusion des personnes éloignées de l’emploi ou en situation de handicap. Nous veillons ensuite à encourager et accompagner les entreprises de taille plus modeste à s’emparer de ces sujets pour les concrétiser. Nous sommes pleinement conscients de l’importance de ces thématiques pour de jeunes candidats, en quête d’équilibre vie professionnelle-vie privée et de sens au travail.
Quelles formations sont mises en œuvre au sein de la CGF ?
I. B-D : Nous proposons des formations maison. La CGF gère et anime le dialogue social de la convention collective des commerces de gros, avec une politique de certification et de qualification professionnelle (CQP). Nous avons mis en place six CQP dans le domaine de la vente et de la logistique, en prise avec les besoins exprimés par les entreprises, et nous sommes sur le point de les réviser pour les actualiser.
Ces formations terrain sont très souples, sans parcours obligatoire, chaque candidat pouvant choisir ses modules en fonction de ses acquis. Une personne sans qualification peut suivre une formation professionnelle et obtenir un diplôme reconnu. Elle peut ensuite, profiter des passerelles entre les différents secteurs d’activité du commerce de gros. Nous avons ainsi formé plus de 4 000 candidats.
Quelle est la déclinaison opérationnelle du partenariat avec France Travail ?
I. B-D : Le déploiement s’effectuera en partenariat avec les 30 fédérations adhérentes à la Confédération. Nous allons faire en sorte d’améliorer les connaissances des conseillers de France Travail sur nos métiers et nos secteurs. Et inversement, nous allons largement diffuser à nos entreprises, l’offre de services de France Travail. Nous espérons ainsi faciliter les recrutements et l’inclusion des personnes éloignées de l’emploi.
La CGF a participé l’an dernier à la semaine du transport et de la logistique et elle sera de nouveau présente pour celle de cette année du 10 au 14 juin. Plusieurs événements sont prévus comme des webinaires sur le commerce de gros et d’autres sur les métiers et les services de France Travail.
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