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« Le principal enjeu du secteur de la rénovation est le manque de personnel qualifié »

Chauffagistes, serruriers, ascensoristes… Acorus, spécialisé dans l’éco-rénovation, recrute de nombreux profils et forme ses talents. Comment ensuite fidéliser ces recrues si recherchées sur le marché ? Le groupe mise, notamment, sur la semaine de 4 jours. Entretien avec MAXIME GOURLET, DIRECTEUR DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN.

Publié le  09/10/2024

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Pouvez-vous nous présenter Acorus et votre rôle au sein de l'entreprise ?

Maxime Gourlet : Acorus est une ETI française comptant 1 800 collaborateurs, spécialisée dans l’éco-rénovation, créée en 1996 et rachetée en 2010 par notre PDG actuel, qui l’a fortement développée. Le groupe est implanté à l’échelle nationale, principalement en Île-de-France, mais également à Orléans, Lyon, Bordeaux, Nantes, Rennes et Toulon.

En tant que directeur du développement humain, j’ai la charge de la gestion et du développement du cabinet de recrutement interne, de la marque employeur, de la formation, du déploiement de Acorus Académie, de la mobilité et de la gestion des carrières, ainsi que de la paie et de l’administration du personnel. C’est notre service juridique qui prend en charge le dialogue social et les aspects juridiques et collectifs.
 

Quels sont les enjeux du secteur de l’éco-rénovation ? 

M.G. : Le principal enjeu du secteur de la rénovation est le manque de personnel qualifié : ouvriers, plombiers, électriciens, menuisiers formés. C'est un secteur réglementé, où il est difficile de trouver du personnel qualifié, ayant la formation adéquate, initiale ou en reconversion, et capable de travailler dans les règles de l’art.  

L’éco-rénovation, un terme relativement récent, peut être illustrée par deux exemples concrets. Premièrement, nous proposons systématiquement des solutions visant à rendre les bâtiments plus neutres une fois rénovés, en utilisant des matériaux à faible empreinte carbone. Avant chaque intervention, nous sommes en mesure d’effectuer des mesures d’efficacité énergétique, puis d’évaluer les gains obtenus après travaux. Nous disposons d'un bureau d'études spécialisé, composé d'ingénieurs thermiciens, fluides et électriques. Deuxièmement, nous réutilisons des matériaux de réemploi via notre partenaire Cycle Up ou de seconde main (toilettes, éviers), ce qui permet de réduire l’empreinte carbone des bâtiments.

Cependant, dans l’éco-rénovation, la pénurie de personnel qualifié est encore plus marquée que dans la rénovation traditionnelle. Par exemple, l'installation de pompes à chaleur nécessite des compétences plus rares que celles requises pour l’installation de chaudières à gaz. Cela implique des formations fréquentes et spécialisées.

Le secteur de la construction neuve, qui ralentit théoriquement au profit de la rénovation, mobilise des métiers différents. Cela nécessite une adaptation des compétences de la filière pour passer du neuf à la rénovation, mais nous n’en ressentons pas encore pleinement les effets. Le Grand Paris et les Jeux olympiques ont accaparé de nombreuses ressources en Île-de-France. Il reste à voir ce qui se passera maintenant que ces grands projets sont terminés.
 

Il existe un fossé entre le neuf et la rénovation, tant en termes de contraintes que de méthodes de travail.


Quelles sont les perspectives de développement d’Acorus ?

M.G. : Nous continuons de nous développer. En 2010, Acorus comptait 80 collaborateurs ; en 2015, nous étions 300, et aujourd'hui, près de 1 800 grâce à une croissance organique de 10 à 15% par an. Depuis 2021, nous avons également poursuivi une stratégie de croissance externe en rachetant des entreprises. Cela nous a permis de conquérir de nouvelles parts de marché, d’élargir notre offre de services et, pourquoi pas, de nous implanter dans de nouvelles régions. Nous visons un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros à l’horizon 2027, contre 300 millions actuellement.
 

Pourquoi avoir fait le pari de créer des emplois plutôt que de recourir à la sous-traitance, pratique courante dans le secteur du bâtiment ?

M.G. : Ce pari a été fait dès le rachat de l'entreprise. L’idée était de maîtriser la chaîne de valeur dès le départ, en ayant nos propres techniciens, capables d'apporter de bonnes solutions, de favoriser l'amélioration continue et de suivre une méthodologie rigoureuse.  

Acorus ne réalise pas de construction neuve et n’en fera jamais. Il existe un fossé entre le neuf et la rénovation, tant en termes de contraintes que de méthodes de travail. En rénovation, vous intervenez souvent dans des immeubles habités, avec une contrainte humaine imprévisible. Si nous ne parvenons pas à embarquer les habitants dans le projet, nous ne pouvons pas travailler. Le lien social est primordial. Le technicien qui intervient est notre premier commercial, la vitrine de l'entreprise.

Cela dit, nous avons évolué avec le temps. Nous sous-traitons désormais 30% de nos activités, notamment sur des métiers où nous sommes moins compétitifs, comme la peinture. Cela nous permet de lisser l'activité et de nous adapter aux fluctuations. Le taux de sous-traitance a d'ailleurs augmenté avec le manque de personnel, particulièrement depuis la pandémie de Covid-19.
 

Quels sont les principaux métiers exercés chez Acorus ?

M.G. : Nous comptons environ 1 100 techniciens, parmi lesquels des plombiers, électriciens, menuisiers, serruriers, maçons, carreleurs, peintres et soliers. En tout, 1 500 personnes travaillent dans la production.  

Nous avons également des conducteurs de travaux, des chargés d’études de prix, des ingénieurs d’études fluides et des dessinateurs projeteurs. Ainsi que des fonctions supports telles qu’assistant commercial, comptable, chargé de recrutement, chargé de formation et acheteur. Le personnel d’encadrement et commercial compte environ 250 collaborateurs.
 

Nous ne recrutons pas nécessairement des personnes avec vingt ans d’expérience, mais des gens bien formés.


Quels types de profils recherchez-vous pour ces métiers ?

M.G. : Nous recherchons des professionnels formés et qualifiés. Par exemple, des chauffagistes capables d’assurer l’entretien et la maintenance de chaufferies collectives et de chaudières. Ces compétences sont rares. Nous ne recrutons pas nécessairement des personnes avec vingt ans d’expérience, mais des gens bien formés. Les serruriers, couvreurs spécialisés en toiture zinc et ascensoristes sont également très recherchés.

Nous essayons de former nos propres ouvriers via l’Académie Acorus, un centre de formation agréé Qualiopi. En 2024, nous avons organisé trois sessions de formation diplômante pour six techniciens. L'idée est de proposer des programmes de formation de trois à six mois pour ensuite embaucher les stagiaires. Nous développons également des formations adaptées. Par exemple, pour qu’un plombier puisse devenir chauffagiste.
 

Comment recrutez-vous ?

M.G. : Nos chargés de recrutement travaillent via différentes plateformes d’emploi et CVthèques. Nous avons aussi environ 150 alternants, grâce à des partenariats avec plusieurs CFA, où nous recrutons chaque année des apprentis techniciens. Nous avons noué des partenariats avec des centres de formation comme l’Atelier des chefs et l’École des métiers de l’habitat à Poissy, dans les Yvelines. Nous diffusons aussi régulièrement des annonces sur des job boards.
 

Quelles sont les opportunités professionnelles chez Acorus, actuellement et dans les deux ans à venir ?

M.G. : Actuellement, la situation est plutôt calme avec une quarantaine de postes ouverts sur notre site carrière, contre 80 habituellement. Cela s'explique par une baisse du turnover, notamment grâce à des actions récentes pour améliorer la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT), comme la mise en place de la semaine de 4 jours. Notre taux de turnover, historiquement de 20%, est en baisse. Et nous recrutons environ 500 à 600 personnes par an, contre 800 à 1 000 auparavant.
 

Quelle place occupe la formation dans votre stratégie de recrutement ?

M.G. : La formation est au cœur de notre stratégie. Nous formons régulièrement nos collaborateurs sur des sujets techniques, comme l’électricité courants faibles, ou sur des compétences managériales. Nous avons également lancé un MBA interne qui formera prochainement une dizaine de collaborateurs en cinq sessions de trois jours sur des sujets tels que la finance, le commerce, le management et les ressources humaines. Nous développons également un module sur la sous-traitance responsable.  

L’Académie Acorus vise à former non seulement les salariés du groupe, mais aussi de futurs collaborateurs en vue de les recruter. Avec la montée en puissance de la rénovation, les métiers qui ne sont pas encore pénuriques le deviendront. Il est donc essentiel pour nous de constituer notre propre vivier de compétences.
 

Nous prônons une culture de l’autonomie et de la responsabilisation. Avec la semaine de 4 jours et l'accompagnement du personnel, cela nous permet d'afficher un taux de turnover inférieur à la moyenne du secteur.


Et quelle est votre stratégie de fidélisation ?

M.G. : La semaine de 4 jours, payée sur 5 jours, est l'une de nos initiatives récentes. Nous proposons également de nombreuses formations évolutives. Et chaque année, nous réalisons un grand nombre de promotions internes. En 2023, nous avons enregistré 650 mobilités internes et 172 promotions. Nous prônons une culture de l’autonomie et de la responsabilisation. Avec la semaine de 4 jours et l'accompagnement du personnel, cela nous permet d'afficher un taux de turnover inférieur à la moyenne du secteur.
 

Avez-vous des politiques en matière de diversité et d’inclusion ?

M.G. : Nous comptons 15% de femmes au sein du groupe. Cependant, au sein de l'encadrement, ce chiffre atteint 40%, y compris dans l'encadrement de chantier. C'est un engagement historique pour l'entreprise, bien que la proportion ait tendance à diminuer avec le temps, car la majorité de nos encadrants sont issus du terrain, majoritairement masculin. Nous travaillons néanmoins en partenariat avec l'école La Bâtisse, qui parvient à former des promotions paritaires, incluant des femmes plombières et électriciennes.
 

Comment collaborez-vous avec France Travail pour répondre à vos besoins de recrutement ?

M.G. : À travers un dispositif Pôle emploi, nous avons par le passé recruté et formé des jeunes éloignés de l’emploi au métier de plombier. Ce type de dispositif se poursuit, mais plus directement avec France Travail. Il nous arrive aussi de participer à des forums pour l’emploi, notamment à Lyon, à Nantes et en Seine-et-Marne.
 

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