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La Suède à la recherche de talents qualifiés et internationaux

Deuxième étape de notre tour d’Europe de l’emploi : la Suède. Un modèle qui emploie ses seniors et où l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle n’est pas une option. De quoi attirer les meilleurs profils, français notamment. Le point avec Sophie Desplats, consultante en recrutement chez Lincoln, à Stockholm.

Publié le  02/10/2024

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Le marché du travail en Suède présente un panorama complexe, marqué par des tensions sectorielles, une forte syndicalisation et un cadre économique fluctuant.
Avec un taux de chômage de 8,9%, le pays montre une certaine résilience malgré les fluctuations internationales et internes. Jusqu'en 2022, la Suède a connu une forte croissance, avant d'entrer dans une période de récession exacerbée par la hausse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires, ainsi que par les répercussions du conflit en Ukraine. Le pays reste néanmoins la septième économie de l'Union européenne, avec des investissements importants en recherche et développement qui le positionnent parmi les leaders mondiaux de l’innovation. On compte notamment de très grosses entreprises internationales, comme IKEA et H&M. Et de start-up, car les Suédois sont des early adopters : ils font souvent partie des premiers à s’emparer des nouvelles technologies.
« La capitale suédoise et la région de Stockholm deviennent un lieu de learning expeditions (voyages d’étude d’entreprises et d’institutions), pour découvrir et s’inspirer du modèle suédois en matière d’innovation et de management », constate Sophie Desplats, consultante en recrutement, Française installée en Suède depuis trois ans.

De nombreux métiers en tension

« Contrairement à la France, l'État suédois interfère peu dans le marché du travail, laissant une grande part aux négociations entre employeurs et syndicats », remarque Sophie Desplats, précisant que les principales entreprises suédoises sont détenues par un actionnariat familial. Il n'y a pas de salaire minimum légal, mais environ 90% des travailleurs sont couverts par des accords collectifs. La syndicalisation est une pratique courante, avec un taux atteignant 70% en 2023, bien qu'il soit en baisse par rapport aux 90% des années 1990. « Les syndicats veulent que les entreprises survivent et agissent en coopération, sur le long terme », ajoute Sophie Desplats.

Ce système favorise un marché du travail fluide, où les embauches et les licenciements sont rapides, reflétant une culture du pragmatisme et de la réactivité. En revanche, l’accompagnement des chômeurs est plus court : douze mois maximum d’indemnisation et une entrée dans la catégorie chômage longue durée à partir de six mois d’inactivité.

La Suède fait face à des tensions dans de nombreux secteurs, notamment la santé, l’éducation et les domaines techniques comme l'industrie ou l'IT (technologies de l’information). Les prévisions de l'Arbetsförmedlingen, le service suédois de l’emploi, indiquent une demande croissante de main-d'œuvre qualifiée, allant des électriciens et mécaniciens aux développeurs de logiciels et ingénieurs en électricité. Notamment pour les entreprises récemment créées dans le secteur des batteries et des énergies renouvelables. Les talents internationaux sont appréciés, et parmi eux les ingénieurs français et les professionnels du secteur de l’énergie, y compris lorsqu’ils ne parlent pas suédois. « Près de 14 000 personnes vont manquer d’ici 2030 dans le secteur de l’énergie. Les grandes entreprises internationales comme Ericsson, Scania ou Volvo sont aussi en permanence à la recherche de talents », précise Sophie Desplats.

Les seniors valorisés, les jeunes soutenus

Le taux d'emploi des seniors en Suède est remarquable. Il atteint 77% pour les 55-64 ans en 2021, alors qu’en France, en 2022, 56,9% seulement des 55-64 ans sont en emploi. La raison ? Des politiques favorables, telles que la réduction des charges patronales pour les plus de 65 ans et une culture d'entreprise qui valorise l'expérience des travailleurs âgés. « Les salaires sont assez linéaires, plus élevés en début de carrière mais ils ne montent pas très haut ensuite. Comme les écarts sont moins forts, les entreprises sont moins enclines à se séparer des seniors et elles n’hésitent pas à continuer à les former. Ce qui permet de les accompagner et de maintenir leur employabilité », explique Sophie Desplats.

Pour les jeunes, la situation est plus complexe. Les 15-24 ans peuvent rencontrer des difficultés d'insertion professionnelle, aggravées par l'absence de dispositifs d'apprentissage formels et de stages obligatoires. Des initiatives comme le Job Guarantee Programme for Young People (programme de garantie de l’emploi pour les jeunes) visent à améliorer leur employabilité en les aidant à trouver des formations et des emplois.

Cette qualité de vie tant réputée

Le modèle suédois se distingue par un bon équilibre entre vie professionnelle et personnelle, avec des politiques familiales généreuses et une confiance institutionnelle élevée. « Les congés parentaux sont importants, et il n’existe pas de mode de garde pour les enfants de moins d’un an. Cela permet aux parents de partager les responsabilités familiales à tour de rôle et de retourner au travail sans perdre pied sur le marché de l'emploi. Ce cadre attractif renforce l'attrait de la Suède pour les expatriés à la recherche d'un cadre de vie équilibré », souligne la consultante en recrutement. La Suède représente donc, aussi pour ces raisons, « une véritable terre d'opportunités pour les professionnels, notamment français », conclut Sophie Desplats.