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L’économie sociale et solidaire et ses valeurs plus que jamais au premier plan !
Avec près de 2,3 millions de salariés, l'économie sociale et solidaire emploie près de 10% des salariés français. Se caractérisant par son caractère non lucratif et ses finalités sociales, elle compte en son sein des activités très diverses, qui tendent à défendre des valeurs communes. Et si, face à la crise sanitaire, celles-ci étaient plus que jamais d'actualité ?
Publié le 22/06/2020
Avec le confinement, de nombreuses structures de l’ESS ont vu leur activité fortement ralentie, telles par exemple certaines activités d’insertion comme la collecte de textiles usagés. Cependant, de nombreuses structures de l’ESS ont au contraire fait partie des métiers mobilisés en première ligne dans la gestion de la crise, notamment dans le secteur médico-social et l’aide à domicile.
Des propositions sociales et écologiques
Le 25 mai dernier, le Conseil supérieur de l’Economie sociale et solidaire remettait au gouvernement sa contribution à un plan de sortie de crise et de transformation de l’économie. Auteur de 25 propositions, l’UDES (Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire) qui rassemble 24 groupements et syndicats d’employeurs (associations, mutuelles, coopératives) et 16 branches et secteurs professionnels, a voulu mettre en avant les quatre priorités suivantes :
la question sociale, pour une société plus inclusive et solidaire
la (re)localisation des emplois, pour une économie plus souveraine et plus proche des attentes des citoyens
l’évolution des modes de travail, pour une société qui parie sur la qualité des emplois
la prise en compte systématique de l’urgence écologique, pour un développement soutenable et plus respectueux de l’environnement.
Aussi, pour faire face aux défis actuels suite à la crise de la Covid-19, l’organisation patronale préconise le recrutement de 100 000 personnes qualifiées sur des projets socialement et écologiquement utiles.
Des valeurs au cœur de l’engagement au travail
Pendant une dizaine d’années, Solenn a exercé comme responsable de centres d’hébergement, dans des associations œuvrant dans le secteur de l’asile et de l’insertion des réfugiés. Elle nous fait part de sa vision de l’économie sociale et solidaire : « on met à distance le côté profit, on y recherche des valeurs collectives fortes : l’engagement, la solidarité, la justice sociale et l’innovation sociale. »
Des valeurs souvent revendiquées au sein des diverses familles de l’Economie sociale et solidaire, et qui entrent parfois en tension avec les pratiques concrètes au quotidien. Selon le sociologue Matthieu Hély, tout en défendant l’idée d’une transformation des rapports sociaux dominants, l’économie sociale et solidaire n’échappe pas aux modèles classiques de rationalisation, issus de l’administration et de l’économie capitaliste. Aussi, si Solenn estime que la hausse des exigences de rigueur gestionnaire dans le secteur médico-social associatif est bienvenue, celle-ci peut parfois être plus ou moins bien comprise, selon les capacités d’action que les travailleurs sociaux ont sur le terrain.
Des contraintes de gestion qui heurtent parfois le sens donné au travail
Le secteur médico-social, qui constitue une grande part de l’ESS, a connu de nombreux bouleversements depuis une vingtaine d’années. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a ainsi participé à formaliser beaucoup plus ce secteur, pour une meilleure prise en compte des droits des usagers, mais aussi du point de vue de la gestion, par exemple avec les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), qui ont introduit la notion de pluriannualité budgétaire.
Solenn témoigne: « il y a parfois un glissement vers une nécessité d’optimisation et ça vient froisser les valeurs. Avec des contraintes liées aux activités très dépendantes des financements des territoires. Il y a un conflit de valeurs qui met parfois en péril la gestion de ces structures-là en termes de valeurs professionnelles. »
Des contraintes de gestion qui heurtent parfois le sens donné au travail
Le secteur qui recrute le plus de saisonniers est, sans surprise, l’agriculture, pourvoyeuse importante d’emplois entre juin et fin septembre chaque année. En 2020, c’est plus que jamais le cas, alors que la venue d’une main d’œuvre étrangère reste incertaine. En PACA, Occitanie et Rhône-Alpes, les agriculteurs continuent à rechercher activement du renfort pour les cueillettes. « La demande est forte et va s’accentuer dans les mois qui viennent, pronostique Jérôme Volle, Vice-Président de la FNSEA, Commission Emploi. Entre avril et juin, nous atteignons les 276 000 offres d’emploi. Le mois de juillet est la période la plus importante, et cela redémarre en août pour les vendanges en septembre et octobre. La moitié des contrats se font entre fin août et début septembre. »
Le besoin se fait profondément sentir, et certains départements, comme l’Aisne, n’hésitent pas à offrir des avantages à ceux qui voudraient bien donner un coup de main à leurs agriculteurs, avec le maintien de son RSA cumulé au salaire de saisonnier, déjà expérimenté en 2019. De son côté, la FNSEA, avec le ministère de l’Agriculture et Pôle emploi, ont lancé la plateforme desbraspourtonassiette dès le début du confinement, en mars dernier. « Cela a eu l’effet bénéfique d’une vraie campagne de recrutement, et j’ai vu des gens qui m’ont appelé directement pour me proposer leur aide », témoigne Jérôme Volle, lui-même exploitant agricole.
Un domaine où l’innovation bouillonne
Loin de regretter les évolutions du secteur, Solenn évoque également « de bonnes nouvelles » : « il y a de plus en plus d’appels à projets lancés par les collectivités ou les services déconcentrés, l’innovation sociale est quand même facilitée. Dans des missions de délégation de service public, et depuis 3-4 ans, on a eu beaucoup d’invitations de l’État à développer des projets pour l’intégration des réfugiés et proposer des solutions innovantes. Autour du « chez soi d’abord », par exemple, l’idée était remettre l’usager au centre des dispositifs. ».
Solenn voit dans ces appels à projets des marges de manœuvre pour l’innovation sociale, qui serait une dimension essentielle du secteur : « pour moi le cœur de l’ESS est aussi là, de ne pas être dans l’assistanat, et de casser avec cette image du social qu’ont les autres secteurs, les politiques et parfois le grand public ».
Une motivation forte mais parfois fragile
L’ESS apparaît donc comme fortement investie de valeurs, ce qui implique de veiller au partage d’un sens collectif dans le travail, explique Solenn: « la motivation au travail n’est pas liée majoritairement aux conditions de travail. Donc elle est plus forte et fragile en même temps. On peut compter sur un engagement franc, et en même temps fragile, parce que ça tient à des valeurs qui peuvent vite être ébranlées par la réalité. »
Ni dans le registre privé marchand ni dans celui de l’action publique, le « tiers secteur » qu’est l’ESS connaît une multitude de formes (associations, mutuelles, coopératives…), qui ont en commun de se référer à la notion d’utilité sociale. Celle-ci se définit notamment comme la réponse aux besoins qui ne sont pris en charge ni par l’Etat ni par le marché.
Le 2 juin, l’UDES a annoncé l’ouverture de VALOR’ESS, sa plateforme numérique dédiée à la mesure de l’impact social des entreprises. Cet outil est destiné à mesurer l’impact social des structures de l’ESS, mais aussi aux « TPE/PME qui souhaitent travailler sur leur « raison d’être ».
L’économie sociale et solidaire n’a, semble t-il, pas fini de faire l’objet de débats sur ses spécificités. Et d’ailleurs, c’est peut-être là l’un de ses principaux intérêts: sa capacité à susciter du débat sur le sens et la finalité du travail, et ce, au-delà même des organisations de l’ESS.
Pour aller plus loin :
les propositions de l’UDES pour sortir de la crise et transformer l’économie
https://www.udes.fr/sites/default/files/public/fichiers/propositions_udes_pour_sortir_de_la_crise_et_transformer_leconomie.pdf
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