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Agriculture : «Ce sont des métiers où on se sent utiles, des métiers qui ont du sens»
Le secteur agricole évolue, se réinvente et développe son niveau de compétences pour s’adapter aux nouvelles exigences de notre société, écologiques, technologiques et bien entendu sanitaires. Faire découvrir ces métiers, donner envie de s’y investir, c’est tout l’objet du travail commun engagé par France Travail Grand Est et ses partenaires comme nous l’explique, Hélène Messagé, chargée de mission à l’Anefa Lorraine. Interview.
Publié le 06/03/2025
Comment percevez-vous l'évolution du marché du travail dans le secteur agricole en Grand Est ?
C’est toujours un secteur en tension, avec les difficultés de recrutements qu'on connaît, liées notamment à de nombreuses idées reçues. A l’Anefa (Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture), nous intervenons de plus en plus dans les collèges pour sensibiliser les plus jeunes qui sont de plus en plus déconnectés de la campagne et de la ruralité. Souvent ils n’ont aucune curiosité au sujet de leur alimentation et de ses origines. Ces idées reçues influent sur les recrutements et sur les entrées en formation également. Notre rôle, avec nos partenaires comme France Travail Grand Est, est de donner les bonnes informations.
Le secteur est en pleine reconversion, est-ce que cela génère de nouveaux besoins en compétences et en recrutement ?
Des travaux et expérimentations sont menés par les acteurs agricoles et notamment par les chambres d'agriculture sur la transition énergétique, sur les circuits courts par exemple mais sur de nombreux autres sujets. Les façons de travailler évoluent donc les besoins en compétence également. Les nouvelles technologies ont investi le secteur, avec l'informatisation et la robotisation de nos outils de travail notamment et avec de nouveaux modes de production. Donc les formations évoluent en ce sens.
Dans quelle mesure cette évolution participe à renforcer l'attractivité des métiers de l’agriculture et du vivant notamment auprès des jeunes et des demandeurs d'emploi en reconversion professionnelle par exemple ?
Il y a de nombreuses reconversions dans nos métiers parce qu’ils ont plein d'atouts : être en contact avec les animaux, être en lien avec la nature, travailler la terre, travailler en forêt. Ce sont des métiers où on se sent utile, des métiers qui ont du sens, puisqu'on participe à nourrir la population ou à entretenir les paysages. Rappelons qu’aujourd’hui, nous avons 100 métiers dans l'agriculture, paysage et forêt. Il y en a pour tous les goûts. Sur le terrain, en contact avec les animaux ou le végétal, dans les grandes cultures, dans le maraichage ou les fleurs, la viticulture, l’arboriculture. Les engins agricoles ont considérablement évolué. Aujourd’hui le matériel est optimisé avec de nouvelles technologies comme l'autoguidage ou les GPS qui permettent d’être plus précis dans les interventions pour le travail du sol. On peut également trouver sa voie dans le paysage avec le métier d’ouvrier jardinier paysagiste dont les missions vont de l'entretien, la taille, la tonte, le fauchage, l’élagage jusqu’à la création en aménagement paysager qui nécessite une bonne connaissance des végétaux. Tout dépend de son appétence. Concernant les jeunes, on essaie de les intéresser en les questionnant : est-ce que vous aimez les jeux vidéo, est-ce que vous aimez les animaux ? Est-ce que vous aimez bien manger ? On utilise un serious game (réalisé par l’Université de Lorraine), un jeu de plateau pour découvrir quelque cent métiers tout en s’amusant. C’est une sorte de jeu de l’oie avec des questions, des vrai/faux, des qui suis-je et des cartes images où il faut deviner les métiers qui se cachent derrière des aliments par exemple. Ça fait cogiter !
Quelle place occupent les femmes dans les métiers du secteur agricole en Grand Est ?
La part des femmes parmi les salariés est de 37,6% exactement, ce qui nous place à la 6e position nationale. En France, un tiers des exploitations agricoles sont tenues par des femmes. Les améliorations technologiques dans l’agriculture atténuent la pénibilité du travail, ce qui favorise également l’accès des femmes à l’ensemble des métiers même les plus techniques. Paramétrer un robot de traite, ça peut être fait indistinctement par un homme ou une femme, idem pour la conduite d’engins. On a beaucoup progressé depuis ces dernières années.
Sur les recrutements à proprement parler, quels sont les trois postes les plus demandés en Grand Est ?
Sur le site lagriculture-recrute.org, les métiers de cueilleur, agent arboricole, agent viticole arrivent en tête. Ensuite, nous avons l'agent agricole polyvalent qui représente la majeure partie de nos postes en CDI. Ce sont des offres pérennes pour lesquelles on demande des qualifications et des compétences. Il y a des besoins conséquents en recrutement dans le domaine du Paysage et de la Forêt pour des postes de jardinier paysagiste et opérateur sylvicole ou encore bucheron.
Comment est-ce que l’Anefa travaille avec France Travail Grand Est ?
On a élaboré une feuille de route commune. Le but est de renforcer la prise en compte de l'emploi agricole et d’accompagner les entreprises du secteur dans leurs besoins de main-d'œuvre saisonnière ou pérenne. Avec France Travail Grand Est, nous avons appris à se connaître, et à travailler ensemble. Nos objectifs communs sont très clairs : améliorer la connaissance par France travail sur la centaine de métiers agricoles, lutter contre les difficultés de recrutement dans les territoires, en valorisant les profils de candidats, anticiper les vagues de recrutement aussi des emplois saisonniers cette fois, que ce soit pour les vendanges, la récolte de fruits, renforcer l'attractivité du secteur au sens large et attirer de futurs candidats vers nos secteurs. Ensemble, nous sommes plus forts pour assurer la pérennité des entreprises du secteur avec le renouvellement des générations et identifier les besoins sur les territoires.
Agriculture en Grand Est, chiffres clefs
> 41 000 exploitations agricoles soit 9,8 % des exploitations françaises (4ème rang)
> 122 000 salariés, soit 8% des salariés du Grand Est
> 9,4% de croissance de l’emploi salarié entre 2017 et 2022
> 190 000 projets de recrutement dont 132 731 non saisonniers pour 2024