Article
TROYES : MELTING POPOTE, FACILITER L’INTÉGRATION À TRAVERS LA RÉDACTION D’UNE REVUE CULINAIRE MULTICULTURELLE
Arrivés du Sénégal, du Niger, d'Ukraine, du Cameroun ou d'Algérie, trois hommes et neuf femmes réfugiés et demandeurs d'emploi, ont présenté jeudi 8 septembre dernier, leur revue culinaire participative interculturelle. Nom de code de ce projet inédit porté par E-Graine Grand Est (association d'éducation populaire) et Kantinétik (restaurant d'insertion professionnelle) sur demande de Pôle emploi : Melting popote. Arlette Lejeune, responsable d’équipe à l’agence Pôle emploi de Troyes centre gare, nous trace l’historique de ce projet innovant dont l'objectif est d’améliorer la pratique du français et de faciliter l'insertion.
Publié le 21/10/2022
«Nous avons de plus en plus besoin d’intégrer des personnes réfugiées sur le territoire français et il faut leur permettre de pratiquer la langue française, explique Arlette Lejeune, responsable d’équipe demande à l’agence de Troyes centre gare. D’où l’idée de ce projet, Melting Popote, élaboré par l’association E-Graine. «Son objectif est de rompre l’isolement social et culturel. Nous sommes littéralement sortis des sentiers battus et le résultat est probant !».
Un projet multiculturel autour d’une valeur commune : bien manger !
Mélanie Gertsch, référente de projet, et Mireille Melfort, chargée de projet éducative à E-Graine Grand Est, entrent dans le détail de cette très belle opération. «Melting Popote c'est non seulement la revue que vous pouvez lire, mais aussi et surtout un projet socio-culturel éducatif permettant un apprentissage rapide de la langue française» Dans l'Aube, à Troyes et Pont-Sainte-Marie, douze réfugiés demandeurs d'emplois ont participé à la rédaction de cette revue. Un parcours en trois temps. Tout d'abord, des ateliers collectifs d'interconnaissances pour présenter les étapes du projet et s'exercer à parler en français. «Au départ, on a préparé des pictogrammes avec des consignes en français et en anglais pour faciliter les échanges», précise Mireille, responsable des projets «vivre ensemble» à E-Graine. Deuxième temps : un atelier défi cuisine pour travailler des produits locaux et de saison (pois chiches, lentilles, fromage blanc...) et enfin des visites chez les producteurs de la campagne auboise (association Chlorophylle, le comptoir du fromage et la Ferme d'Hotte).
Apprendre ensemble en partageant sa culture
«Les participants ont appris à poser des questions, à parler d'eux et de leur recherche d'emploi. Ils ont aussi partagé les souvenirs de leur pays à travers une chose universelle et en général très fédératrice : la cuisine !» Véritable solution d'apprentissage rapide de la langue française, «Melting Popote est aussi l'occasion de brasser les cultures d'origines différentes, de les confronter parfois, pour revenir à un sentiment d'appartenance, à une humanité commune. Enfin, lors des visites chez les producteurs locaux, les bénéficiaires ont découvert le patrimoine culturel, culinaire et naturel local de leur région de refuge», précise Mélanie Gertsch.
Après ces visites, les participants ont planché sur l’écriture. C'est au Rucher créatif, épaulés par l'association Mot à mot, qu'ils ont mis en forme le livret. Douze ateliers pour retranscrire les visites, transmettre leurs recettes originales et partager leurs points de vue. D'un projet social, Melting Popote devient une revue riche, écrite à 28 mains. Du Sénégal à la Syrie, en passant par l'Ukraine, l'Algérie, les Comores, le Niger ou le Cameroun, ces douze plumes racontent la cuisine de leurs pays natifs et du terroir de l’Aube. Jeudi 8 septembre, ils étaient très fiers de présenter leur ouvrage collectif lors d’un banquet de restitution final qu’ils ont eux-mêmes préparé et animé.
Pour Arlette Lejeune, nul doute, c’est une expérience à renouveler en 2023 : «Grâce à l’accompagnement d’ E-Graine, certaines barrières, certaines représentations se sont brisées. Le projet a largement dépassé les attendus du simple apprentissage de la langue en visant une intégration dans une communauté et dans un territoire et cela c’est un succès ! »
«En peu de temps, on est devenu des petites étoiles»
Iryna, originaire d’Ukraine
Arrivée d'Ukraine en mars dernier, Iryna, 42 ans, d’abord hésitante, s’est finalement laissée convaincre par sa professeure de français. «J'ai réfléchi et je me suis dit "pourquoi pas ?". C'est une expérience. J’ai aimé les visites, surtout celle à la ferme. C'était intéressant de voir comment le lait est transformé. En peu de temps, on est devenu des petites étoiles». Quant à l'écriture, «on a été aidés pour écrire un petit texte mais entre le masculin et le féminin, je fais toujours des fautes !», glisse celle qui était contrôleuse qualité dans une usine ukrainienne.
Pour en savoir plus
E-graine est un mouvement associatif d'éducation populaire composé de bénévoles et de professionnel.les regroupé.es au sein d'associations locales, d'une Union des associations e-graine et d'entreprises spécialisées. Elle travaille avec le référentiel éducatif de l'Éducation à la Citoyenneté Mondiale défini par l'UNESCO et a pour ambition de cultiver le sentiment d'appartenance à une humanité commune.
> Retrouvez la revue ICI
> Découvez la vidéo de restitution du projet ICI