Quand le théâtre ouvre les portes de son avenir professionnel

« J’ai dit des choses que je n’avais jamais dites à personne ». Sur la scène du Théâtre de Poche, à Saint-Brieuc, onze jeunes ont laissé leur timidité de côté pour passer au micro tour à tour. Ils ont entre 18 et 25 ans, tous sont suivis par Pôle emploi et ont accepté, du lundi 16 au vendredi 20 octobre, de se prêter au jeu du théâtre pour retrouver confiance en eux. L’initiative a été portée et encadrée par les conseillères Contrat emploi jeune (CEJ) Nadine Toquet, Nathalie Macaire et par la psychologue du travail Cécile Le Goallec. Pour que ces jeunes, grâce à des techniques et conseils, puissent sereinement tracer leur avenir professionnel. 

« L’oral les aide à travailler ça, à prendre conscience de la petite pépite qui est en eux », glisse la conseillère Nathalie Macaire. « Pour certains, ce travail est nécessaire pour développer l’assurance, la posture, apprendre à s’ancrer dans le sol, à porter sa voix, à engager un échange », énumère la directrice de Pôle emploi Saint-Brieuc sud, Chantal Lecointe-Laumond. Alice, avant de lire à haute voix le texte qu’elle a choisi, parle de traumatisme. La jeune femme de 23 ans évoque la santé mentale, les traitements et la difficulté à se construire comme adulte lorsqu’on repose encore sur ses failles d’enfant. 

« Quelque chose s’est noué entre eux »

La troupe a passé la semaine entre les mains de la Compagnie de théâtre Quai-Ouest. « Il y a toute une partie de travail classique de relaxation, d’articulation et d’improvisation », raconte le comédien Guillaume Delisle. « Ils ont passé toute la semaine ensemble, à midi aussi en partageant leur repas et cela les a poussés à discuter », complète Eric Rannou, comédien lui aussi. Au bout de quelques jours, ils sont devenus complices. « Quelque chose s’est noué entre eux, ils sont devenus plus forts ensemble ». Ce lien s’observe aux regards et paroles d’encouragement qui s’échangent lors de la représentation finale.

« Chacun avait pour mission de préparer une présentation personnelle et de choisir un texte musical qui lui correspond », résume le directeur artistique de la compagnie, Ludovic Plestan. Sur scène, on sent que les voix ont été poussées à s’élever. Que ces anciens-ados-nouveaux-adultes ne s’excusent presque plus d’être là. Ils se décrivent, parlent de leurs bouts de parcours, de leurs aspirations. Dans le public, face à eux, s’est aussi glissé Pascal Lévêque. Le patron de l’entreprise Iso traitements, basée à Quessoy (22), est venu encourager ces jeunes. « Il y a beaucoup de métiers où l’envie vaut bien plus que les diplômes », sourit le dirigeant. 

Cocon de confiance

Estelle, 23 ans, a apprécié « de rencontrer des gens du même âge » qu’elle et qui partagent certaines de ses difficultés. « On a créé un cocon de confiance qui m’a aidée à sortir de ma bulle de solitude. Je suis dans une situation compliquée, je suis sortie d’une dépression à la suite de mon premier emploi et je manquais vraiment de confiance en moi », témoigne-t-elle. À la fin de chaque prestation, tout le monde s’applaudit. Les comédiens et les conseillères Pôle emploi sont touchés. Émus, même, par ce qu’ont livré les jeunes. « Merci pour la sincérité dont vous avez fait preuve », dit Nathalie Macaire.

Pour Alice, en recherche d’emploi, la dyslexie a longtemps été paralysante. « J’ai fait du théâtre mais cela faisait six ans que je n’étais pas remontée sur les planches, raconte la jeune femme. Je bafouille moins, cette semaine on a réalisé un beau travail, mais on a surtout tissé un lien ». Au moment de tirer le bilan, tous sont unanimes : ils repartiront du Théâtre de Poche grandis, soudés, avec la ferme intention de se revoir et de s’entraider, à l’avenir, pour trouver leur voie.